CANICULE EN PÉRIODE DE RAMADAN : C’est la galère dans les régions
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A Sédhiou, Kaolack, Kaffrine…, on est en pleine canicule au moment où les musulmans observent le jeûne. Les uns en souffrent et font recours à des astuces. Les autres, pour qui c’est une aubaine, en profitent.
« Garage Nioro », à la sortie septentrionale de la ville de Kaolack, les rabatteurs rivalisent d’ardeur pour canaliser le flot de voyageurs. On est en pleine canicule. Tout incident prend une ampleur insoupçonnée. «Je suis dans cette gare routière depuis plus de 40 ans, mais je n’ai jamais vécu un mois de ramadan avec une telle canicule», renseigne le vieux Abdoulaye Wade, un des responsables de la gare routière.
La chaleur est accablante à Kaolack. Il y a des pointes de chaleur les mois de mars et de mai avec respectivement 46,5 et 45,5 degrés. Ainsi, chacun y va de son astuce pour ne pas en pâtir. Pour les plus jeunes, c’est la ruée vers la plage de Koundam sur les rives du Saloum. Avec des tentes rudimentaires, ils viennent s’y réfugier entre deux baignades dans le bras de mer. Les plus âgés s’y prennent avec philosophie. «Le jeûne est un des piliers de l’islam, nous devons y souscrire sans rouspéter», soutient Ibrahima Samb, un commerçant.
La canicule fait l’affaire des vendeurs de glace. En effet, tout un commerce saisonnier s’organise autour de ce produit indispensable en période de ramadan dans la commune de Kaolack et son hinterland. Postés aux endroits stratégiques des gares routières, ces vendeurs augmentent leurs marges de manière substantielle avec la montée des températures. «Ceux qui nous fournissent la glace augmentent sensiblement le prix du sachet qui passe de 100 à 200 FCfa voire 250 FCfa. Nous sommes obligés de les céder entre 250 et 300 FCfa. C’est la loi du marché», assure Fatou Ndao. Ces vendeurs prient pour que le temps continue de jouer le jeu.
Elimane FALL
A Kaffrine, on s’en accommode
En ce dimanche calme, le ciel donne du répit aux jeûneurs. Juste 35 degrés ! Les autres jours, c’était 42 degrés. Alors, on s’accommode de la canicule. «Ici, ramadan rime avec forte chaleur», confie, fataliste, Mamour Niang, 35 ans. Le jeune kaffrinois ne se souvient pas «avoir une fois jeûné avec un temps agréable». Ainsi, s’interdit-il de marcher sous le soleil entre 14 et 17 heures. «Très honnêtement, je n’ai jamais vécu un ramadan aussi difficile de ma vie», geint Mamadou Diagne, étudiant, ressortissant de Dakar, orienté au campus de Kaffrine. Le thermomètre frôle quotidiennement les 40°C. Face à un pic de chaleur, Mamadou avoue avoir été tenté de rompre, car la diète devenait un véritable supplice.
Les épisodes de forte chaleur semblent avoir affaibli certains. Ndèye Ndao a « l’impression d’avoir perdu du poids depuis le début du ramadan ». Cela est dû au fait qu’« après la rupture, je passe plus de temps à boire qu’à manger». Du fait de la forte chaleur, le prix de la glace a grimpé. La forte demande a favorisé la hausse. «En temps normal, le sachet de glace coûte entre 75 et 100 FCfa. En ce mois de ramadan, il faut débourser 250 voire 300 FCfa l’unité», souligne Kiné Kâ, vendeuse de glace.
Pour faire face à cette canicule, on réajuste un peu les heures de travail. «Je suis menuisier, mais, à certaines heures de la journée, je ne travaille pas», informe Tapha. La clientèle s’y est adaptée. Il en est de même pour les sportifs. Bara, jeune fringant, fait son jogging après la rupture pour ne pas s’infliger un inutile supplice.
Les personnes âgées sont également très exposées. Mbaye Niang, 70 ans, observe le jeûne malgré la canicule. «Tant que je serai en vie, je jeûnerai», souligne le septuagénaire. Les dissuasions de ses enfants n’y feront rien. D’autres personnes de son âge ont préféré se réfugier à Dakar, en attendant que le temps soit moins affreux.
Oumar BA
La glace se vend à prix d’or dans le Pakao
La denrée la plus prisée en ce mois de ramadan est la glace, presqu’introuvable dans le Pakao (région de Sédhiou, sud). Là où on la trouve, elle est cédée à un prix exorbitant. Les marchands qui y cherchent «fortune» se frottent les mains. Ils s’approvisionnent à Kolda et à Sédhiou pour écouler la marchandise dans les villages périphériques. A Oudoucar, le sachet de glace, si on en trouve, est vendu entre 250 et 350 FCfa. Certains, profitant de l’aubaine de la forte demande et de l’offre insuffisante, le revendent à 500 FCfa. Les populations ont adopté d’autres habitudes de consommation. La méthode traditionnelle, qui consistait à recouvrir les canaris d’étoffes pour refroidir l’eau, est peu usitée aujourd’hui.
Bamba Sylla Maréna, originaire de ce village, trouve exagérés les prix des revendeurs. «Avec cette chaleur suffocante qui sévit en ce moment, on ne peut pas se passer de la glace, mais ce n’est pas une raison pour fixer un prix frisant l’indécence», fulmine-t-il. Les frais de transport souvent évoqués ne sauraient, aux yeux de certains consommateurs, justifier cette hausse. Oumar Sylla, l’un d’eux, propose la création d’une commission de concertation entre les revendeurs et les consommateurs pour que chacun y trouve son compte. Les jeunes d’un village situé sur la rive gauche du fleuve Casamance ont voulu empêcher les clients d’acheter la glace à n’importe quel prix. Ils se sont vus opposer un niet catégorique des revendeurs qui arguent leur droit de dérouler leur activité à leur convenance.
Malamine KAMARA
SOURCE : LESOLEIL.SN
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