Les Sénégalais d'Italie perdent le nord
Actualité

Ils ont tout fait pour rallier le nord, synonyme de réussite sociale, à leurs yeux. Les Sénégalais d'Italie, « ces raggazzi bravi'' (braves gens) de naguère sont en passe de perdre le nord dans leur pays d'accueil.
Des actes permanents d'agression dont des Sénégalais sont les auteurs sont visibles presque chaque semaine. Le dernier acte de ce genre a été signé par un Sdf sénégalais vers Turin, qui a agressé et blessé deux policiers. Bien sûr, nos médias qui reprennent l'information de sites italiens, confondent policiers (polizia) et gendarmes (carabinieri).
Toujours est-il que l'information n'a pas laissé indifférentes les hautes autorités italiennes. Sergio Mattarella, le Président,a promis fermeté contre les « voyous et les violents'' qui s'en prennent aux policiers.
Le Sénégalais de 26 ans dont l'identité n'a pas été rendue publique, a reçu deux ordres d'expulsion venus de deux Préfets de police ou Questura.
Avant lui, un homme avait mis le feu à un bus de transport d'enfants, mettant en danger la vie d'une cinquantaine de jeunes. Un autre avait attaqué au gourdin des policiers tandis que cette semaine encore, un Sénégalais a blessé son épouse romaine au cou. Etc., etc.
Ces actes ne sont pas isolés et sont symptomatiques d'un nouvel état de fait qui est que le Sénégalais vit un malaise profond résultant de son statut d'immigré.
Il y a le stress permanent lié à l'absence de papiers de séjours, de boulots, aux soucis d'intégration, à la pression permanente de la famille restée au pays, à la crise économique qui sévit encore dans les pays d'accueil, etc.
Chez nous, la peur de l'échec devient une psychose chez la plupart des immigrés qui rechignent alors à rentrer au bercail, même si la plupart ne rêve que de cela. La hantise de la réprobation sociale et des moqueries subséquentes fait que le Sénégalais est prêt à tout endurer au risque de disjoncter, parfois, parce que la pression est trop forte.
En Italie, terre d'accueil de la diaspora sénégalaise, les réalités sociales, économiques et politiques changent en fonction des époques. Les anciens « modou-modou'' de l'époque de Dalema n'ont pas connu les affres des politiques de Berlusconi.
Et le gouvernement de droit au pouvoir avec les leaders du Mouvement 5 étoiles Luigi Di Maio et de la Ligue Matteo Salvini,n'est pas dans les prédispositions de « socialiser'' les politiques qui obéissent, comme partout ailleurs en Europe à la montée du populisme et du nationalisme.
Aujourd'hui, l'immigré est facilement le bouc émissaire dans un contexte économique de marasme.
Ces autorités italiennes citées plus haut ont d'ailleurs, il y a de cela quelques semaines, attaqué la France dans ses politiques africaines qui, selon elles, appauvrissent les pays africains comme le Sénégal. Di Maio a parlé du Franc Cfa et même le Président Macron en a pris pour son grade.
La question migratoire dans sa complexité a été au centre de la crise diplomatique entre la France et l'Italie. La France avait même rappelé son Ambassadeur à Rome.
Cependant, comme nous a affirmé Babacar Socrate Diallo, du Centre d'Etudes en diplomatie et stratégie (Ceds), qui s'est prêté à nos questions, les immigrés n'ont été qu'un prétexte, les causes des dissensions entre l'Italie et la France remontent à la crise libyenne et à la mort de Kadhafi.
D'autres spécialistes ont aussi invoqué des motifs économiques mais aussi politiques comme les élections européennes, etc.
Toujours est-il que les Italiens ont mis le doigt sur une préoccupation fondamentale: Comment arriver à créer les conditions optimales d'un développement en Afrique en desserrant l'étau de la domination économique, financière, politique et sécuritaire des pays du nord?
A ce propos, l'Union européenne, les Etats-Unis et bien d'autres partenaires de l'Afrique comme la Chine, la Turquie, etc. ont, chacun en ce qui le concerne, une part de responsabilité.
L'Afrique qui ne saurait nullement occulter sa responsabilité dans la mal gouvernance, la guerre, les corruptions, doit pouvoir compter sur un partenariat plus équilibré, un partenariat gagnant-gagnant qui lui permette de bénéficier pleinement de ses énormes richesses en matières premières.
Sinon, pauvre, elle va continuer à hanter, par ses immigrés, les populations du nord qui payent dans une certaine mesure, la maladresse des politiques de ses dirigeants.
Assane Samb
O commentaire