Lyft, Uber, Slack : comment les millionnaires de la tech vont dépenser leur nouvelle fortune

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Les start-up technologiques qui s'introduisent en Bourse cette année sont majoritairement installées à San Francisco. Les habitants modestes de la ville s'inquiètent de l'effet de cette nouvelle richesse sur les prix de l'immobilier, alors qu'ils atteignent déjà des sommets.

Seront-ils 3.000, 6.000 ou 10.000 ? A San Francisco, chacun y va de son estimation sur le nombre de nouveaux millionnaires que les introductions en Bourse (IPO, « initial public offering ») vont faire naître cette année. Après Lyft en mars et Pinterest en avril, Uber et Slack se préparent à entrer à Wall Street en mai, avant Airbnb dans les mois suivants. Ces entreprises se situent toutes dans SoMa, un quartier de San Francisco dont les garages et entrepôts en briques accueillent désormais des start-up aux valorisations astronomiques.

Depuis quelques semaines, les conférences et les articles se multiplient pour tenter d'évaluer l'impact de cette nouvelle richesse sur San Francisco. Avec en lame de fond, le sentiment que ces IPO vont achever la transformation de la « city by the bay » en « ville pour les riches et les touristes », explique Ted Egan, l'économiste en chef de la municipalité et du county de San Francisco.

Les « techies » sont devenus omniprésents dans la ville depuis que les start-up ont délaissé la Silicon Valley, plus au sud, à la fin des années 2000. Un mouvement visant à bénéficier des avantages fiscaux proposés aux entreprises par la municipalité de San Francisco et à satisfaire de jeunes employés désireux de vivre au coeur de la métropole, mais qui n'a pas été suivi par suffisamment de nouveaux logements, propulsant les prix à des sommets. Le loyer d'un appartement deux pièces était de plus de 4.300 dollars en moyenne en mars, selon la plate-forme immobilière Zillow.

Acheter maintenant ou jamais

Aujourd'hui, les propriétaires attendent cette nouvelle promotion de millionnaires pour vendre leurs maisons au prix fort – les offres ont ainsi baissé de 20 % au cours du premier trimestre par rapport à la même période l'année dernière, selon l'agence immobilière Compass. Certains habitants aux salaires confortables essaient, eux, d'acheter maintenant de peur que les prix montent trop, quitte à parfois vendre leurs actions avant l'IPO. « Les pompiers et les profs, ça fait longtemps qu'ils ne sont plus là. Mais même moi qui gagne plutôt bien ma vie, je me rends compte que je peux être remplacé. Soit j'achète maintenant, soit je me prépare à aller vivre ailleurs », raconte Carlos Diaz, associé du fonds The Refiners.

Les promoteurs immobiliers tentent de s'adapter aux exigences de ces nouveaux riches sans enfants surnommés les Dink (Double Income No Kids). « Ils ne sont pas intéressés par l'idée de tondre la pelouse et de réparer leur toit le week-end. Ils cherchent un « lock and leave lifestyle » [fermer la porte et partir], avec des services comme la réception de colis pour pouvoir travailler plus longtemps ou sortir avec des amis », raconte Garrett Frakes, associé de Polaris Pacific.

Ce promoteur de résidences de luxe, qui cible ses publicités en ligne dans le périmètre des sièges des entreprises technologiques, repense ses immeubles pour faciliter le déchargement de paquets. Les sous-sols où se trouvent les systèmes de ventilation doivent ainsi faire de la place à des frigidaires pour stocker les livraisons de nourriture.

Résidences secondaires à Hawaï

Mara Klein, agent immobilier chez Zephyr Real Estate, ne s'attend cependant pas à une forte augmentation des achats. En réalité, une large partie des investisseurs, fondateurs et employés qui vont profiter des IPO sont déjà propriétaires à San Francisco ou dans la région. La vente de résidences secondaires pourrait, elle, connaître un boom. Notamment au lac Tahoe, dont la petite municipalité d'Incline Village située au Nevada attire les acheteurs grâce à un taux d'imposition plus faible qu'en Californie… au point d'être surnommé Income Village. Mais également à Hawaï, destination très populaire auprès des patrons du secteur technologique, et à Napa et Sonoma, les régions viticoles au nord de San Francisco.

Les vainqueurs des IPO ne vont cependant pas se contenter de l'immobilier. « Le s salariés d'Uber, qui prône la fin de la voiture individuelle, sont nombreux dans les allées des concessionnaires ces jours-ci », note avec ironie Jeremiah Owyang, fondateur du cabinet Kaleido Insights. Mais plus que de biens, les « techies » sont surtout friands de services leur offrant des « expériences » différentes, de retraites de méditation aux restaurants haut de gamme.

Chris Foley l'a bien compris : ce promoteur immobilier vient de transformer une église vieille de plus de cent ans dans le coeur de SoMa en club privé accessible via un abonnement à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Des canapés en cuir entourés d'oeuvres d'art – dont plusieurs ours empaillés – accueillent les visiteurs dans la nef, une fois passée une boutique de cosmétiques de luxe à l'entrée. Les toilettes comprennent des lavabos en marbre construits sur des reliques de saints.

Les bénéficiaires vont surtout réinvestir dans d'autres start-up… ou créer les prochaines pépites. « Ces entrepreneurs ne prennent pas leur retraite sur un yacht au milieu des Caraïbes. Leur conception du bonheur, c'est d'avoir un nouveau challenge », conclut Jeremiah Owyang.

Anaïs Moutot
lesechos

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