Le virage de Facebook vers les messages privés, un défi pour la régulation
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Le grand virage de Facebook vers les communications privées n’est pas qu’un changement de philosophie pour le premier réseau social de la planète et, potentiellement, tous les annonceurs qui alimentent sa machine publicitaire. Cette transformation, si elle est effectivement enclenchée, va aussi compliquer la lutte contre les contenus haineux, au coeur du rapport sur la régulation des plate-formes remis vendredi 10 mai au gouvernement. Et cela tant pour Facebook, que pour le futur régulateur français.
Facebook a annoncé vouloir pivoter vers l’échange privé d’informations, incarné par les deux messageries de son écosystème (Messenger et WhatsApp) et le partage de contenus éphémères, à la manière des « stories » sur Instagram.
Les contenus haineux
Sauf que cette transformation va rendre plus difficile la détection des contenus haineux. Or, ils « sont présents aussi au sein des groupes privés ou fermés des réseaux sociaux et il existe actuellement une tendance à la diffusion de contenus dans ces groupes restreints », constatent les enquêteurs de la mission Facebook dans leur rapport.
Sur WhatsApp, les messages sont chiffrés de bout en bout, et donc inaccessibles par le réseau social. Facebook ne peut qu’identifier les comportements inhabituels. Par exemple, lorsqu’un nouvel utilisateur rejoint d’emblée de très nombreux groupes de discussion. « Nous pouvons explorer les méta-données, c’est-à-dire la façon dont certains comptes agissent, mais pas le contenu des conversations à proprement parler », expliquait vendredi Nick Clegg, le directeur des affaires publiques de Facebook, lors d’un échange à Paris avec la presse.
Pour les modérer, Facebook peut néanmoins s’appuyer sur les signalements des autres utilisateurs. Le réseau social collabore aussi avec les différents services de l’Etat dont la police qui peut, elle, accéder aux contenus privés, dans le respect toutefois du secret des correspondances.
L’auto-régulation, « illusoire » selon le gouvernement français
Pour le gouvernement français, la modération des contenus publics par Facebook était déjà insuffisante. Mais, s’agissant des contenus privés, il serait carrément « illusoire » de faire confiance à Facebook, estiment les différentes administrations (CSA, Arcep, ministère de l’Intérieur?) de la mission Facebook. « Il est plus complexe d’intervenir sur ces environnements dont les échanges peuvent être couverts par le secret des correspondances privées et surtout chiffrés de bout en bout » peut-on lire dans le rapport.
Sauf que c’est aussi vrai pour les autorités. D’ailleurs, l’expérimentation en cours depuis cinq mois a étudié uniquement les outils de Facebook concernant les contenus publics, pas privés. Tout l’arsenal du gouvernement sur le sujet reste donc à déterminer.
Raphaël Balenieri
lesechos
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